Pourquoi je m’oppose au RN sur l’exclusion des filières agricoles dans les accords de libre-échange

Dans le cadre de mes travaux en commission des affaires européennes à l’Assemblée nationale, j’ai été nommée co-rapporteure, avec le député Thomas Ménagé Rassemblement National, pour réaliser une mission d’information sur le bilan des accords de libre-échange de l’Union européenne.

Alors que l’attachement au libre-échange est un marqueur fort de la construction européenne, consacré dès 1957 dans le préambule du traité de Rome instituant la Communauté économique européenne, les accords de libre-échange font l’objet aujourd’hui de plus en plus de critiques.

À travers cette évaluation des accords de libre-échange (ALE), nous dressons un bilan contrasté et objectif de leurs résultats économiques mais aussi de leurs impacts à l’aune de considérations sociales et environnementales. Publié en novembre 2023, le rapport parlementaire tient compte des 42 accords de libre-échange de l’Union européenne qui ont été signés avec 74 Etats partenaires répartis sur l’ensemble des cinq continents.

Source : Conseil Européen

À l’heure actuelle, l’Union européenne est la puissance qui a conclu le plus grand nombre d’accords de libre-échange au monde permettant un accroissement des échanges avec les partenaires commerciaux et donc à une hausse des exportations européennes au bénéfice de nos entreprises. Sur l’année 2022, les ALE représentaient la moitié de l’activité commerciale de l’Union européenne, soit 5 580 milliards d’euros d’échanges avec le reste du monde.


En ce qui concerne plus particulièrement le secteur agricole, la France maintient en 2022 son rang de sixième exportateur mondial de produits agricoles et agroalimentaires selon le dernier rapport de FranceAgriMer, avec 4.5% des parts de marché et une augmentation de +19% des produits échangés par rapport à 2021.

Certaines filières dépendent étroitement des marchés à l’export pour réaliser leur chiffre d’affaires, comme la filière des vins et spiritueux et la filière des plants et semences, pour lesquelles la France est classée 1er exportateur mondial. Il en va de même de la filière du lait et des produits laitiers ou de la filière des céréales boostée par la crise ukrainienne.

Le ministre du Commerce extérieur, Olivier Becht, souligne quant à lui des résultats positifs enregistrés par certains accords comme le CETA, pourtant contesté, et qui a permis en 2022 une augmentation des exportations de viande française vers le Canada de l’ordre de 30%. La France exportant désormais trois fois plus de bœuf qu’elle n’importe de bœuf canadien.

Pourtant, les auditions des représentants du monde agricole ont laissé transparaître de réelles inquiétudes pour certaines filières – au premier rang desquelles les éleveurs – à mesure que les accords de libre-échange se multiplient avec de grandes nations agricoles. Pris isolément, les accords récents ou annoncés font craindre une concurrence intenable pour les agriculteurs français qui s’estiment déjà en situation de vulnérabilité.


Face à ces constats, je suis opposée à la proposition de Thomas Ménagé d’« extraire les filières agricoles du champ d’application des futurs accords de libre-échange ». Une mesure trop radicale et à l’encontre des intérêts de nos agriculteurs dont certaines filières se retrouveraient largement sinistrées.

Rencontre avec Bruno Le Maire au Salon International de l’Agriculture le 26 février 2024 pour lui remettre notre rapport sur les ALE

Au contraire, je soutiens Bruno Le Maire lorsqu’il évoque « l’exportation comme un pilier pour une agriculture puissante, avec des clauses miroirs au cœur du dispositif des accords de libre-échange ». C’est pourquoi, je défends l’instauration de mécanismes de rééquilibrage dans les ALE pour prévenir les conséquences négatives pour nos agriculteurs et accompagner en amont les filières en difficultés.

Dans mes recommandations, je défends les accords dits « de nouvelles générations », à l’instar de celui signé avec la Nouvelle-Zélande en juillet 2023, où l’humain et la planète sont au cœur des accords commerciaux. J’insiste pour que les futurs accords de libre-échange intègrent des clauses miroirs garantissant les mêmes exigences aux produits importés que ceux produits en France. Avec des considérations en matière de protection des consommateurs, de préservation de l’environnement et du climat ou encore de respect des droits des travailleurs dans les États tiers.

Je préconise également de mieux suivre et accompagner les filières identifiées comme sensibles, sur la base d’études d’impacts avant et après la ratification des futurs accords, afin de protéger au mieux leurs intérêts et d’empêcher toute concurrence qui serait déloyale. À l’inverse, pour d’autres filières exportatrices, qui font office de véritables « champions » français à l’export, il serait souhaitable de mieux identifier et exploiter leurs intérêts offensifs au regard du contexte général de balance commerciale qui se dégrade.