GAME OF DRONES : DU CONFLIT DE HAUTE INTENSITÉ À L’ENJEU SÉCURITAIRE 

À l’invitation du Think Tank « Liberté & Prospective », j’ai ouvert, ce Jeudi 19 octobre, la conférence « Game of drones : Du conflit de haute intensité à l’enjeu sécuritaire » à l’Assemblée nationale.

Ce sont des sujets passionnants qui revêtent une importance cruciale dans les dynamiques de puissance stratégique. Mon engagement actuel dans le domaine de la Défense à l’Assemblée nationale relie mon parcours professionnel passé comme Directrice Recherche & Innovation.

En tant que Présidente du Groupe d’études « Industrie de défense » depuis quelques mois, notre orientation est claire : mettre l’innovation au cœur de nos préoccupations. Dans un monde marqué par le retour des États puissances, l’émergence d’acteurs non étatiques comme les groupes terroristes, l’évolution des opérations vers les domaines numériques , spatiaux et les fonds marins, et la possibilité de voir les armées des nations les plus économiquement puissantes concurrencées par l’utilisation efficace de technologies civiles, il n’a jamais été aussi crucial de privilégier l’innovation.


La supériorité technologique militaire se trouve aujourd’hui en compétition avec l’innovation civile, ce qui rend impérative une adaptation rapide pour saisir ces nouvelles avancées.

Drone kamikaze utilisé dans la guerre en Ukraine


Les conflits récents sont marqués par l’utilisation massive de drones tactiques et de petits drones moins sophistiqués et moins coûteux que les équipements occidentaux. Ces conflits ont également mis en évidence l’extension de la guerre des drones aux domaines terrestre et sous-marin.

Forte d’une BITD performante et innovante, la France a les capacités de maîtriser les fonds marins et, avec le programme France 2030 , a posé un jalon important pour y parvenir en toute autonomie d’ici à 2025-2028.
La prolifération des drones affecte également la sécurité nationale. Le nombre de drones, en particulier civils, a considérablement augmenté en France, générant des préoccupations pour la sécurité des installations et des grands événements nationaux, nécessitant une coordination pour contrer cette nouvelle menace.

↓ Retrouvez ici le discours que j’ai prononcé à cette occasion ↓

________________________________________________________________________________________________

Madame la Présidente,

Mesdames et messieurs, en vos grades et qualités,

Je suis honorée d’ouvrir cette conférence « Game of drones : « Du conflit de haute intensité à l’enjeu sécuritaire » et je remercie sincèrement la Présidente du think tank « Liberté et prospectives » pour son invitation.

Permettez-moi de me présenter brièvement : je suis Lysiane Métayer, députée de la 5ème circonscription de Lorient-Groix dans le Morbihan en Bretagne Sud. Il s’agit d’une circonscription fortement marquée par la présence de la marine nationale et l’industrie navale. Par conséquent, il est tout naturel que je remplisse la fonction de commissaire de la défense nationale et des forces armées à l’Assemblée nationale. Avant d’entamer ce premier mandat électoral, j’occupais le poste d’ingénieure de recherche et de directrice de la recherche et de l’innovation à l’Université Bretagne Sud.

Mon engagement à l’Assemblée nationale relie mon passé à mon engagement actuel dans le domaine de la défense. En tant que Présidente du Groupe d’études par le retour des États puissances, l’émergence d’acteurs non étatiques comme les groupes terroristes, l’évolution des opérations vers les domaines numériques et spatiaux et les fonds marins, et la possibilité de voir les armées des nations les plus économiquement puissantes concurrencées par l’utilisation efficace de technologies civiles, il n’a jamais été aussi crucial de privilégier l’innovation. Ainsi, la supériorité technologique militaire se trouve aujourd’hui en compétition avec l’innovation civile, ce qui rend impérative une adaptation rapide pour saisir ces nouvelles avancées. »Industrie de défense » depuis quelques mois, notre orientation est claire : mettre l’innovation au cœur de nos préoccupations. Dans un monde marqué

Les conflits de 2019-2020 dont la guerre au Haut-Karabakh, les combats en Libye et la campagne militaire turque dans le nord de la Syrie, ont été marqués par une utilisation massive de drones tactiques et de petits drones. Ce qui les distingue, c’est qu’ils sont moins sophistiqués et moins coûteux que les équipements traditionnellement déployés par les puissances occidentales. Des acteurs régionaux, tels que la Turquie et l’Iran ont entrepris la production à grande échelle et l’exportation de ces drones abordables, qui se sont rapidement répandus au Moyen-Orient et même en Afrique.

Plus proche de nous dans le temps et l’espace, le retour d’expérience Ukrainien en témoigne : les drones, de diverses natures, bouleversent la façon de faire la guerre, dans toutes ses dimensions et dans tous les milieux.

10 000 drones perdu chaque mois côté Ukrainien. Pour la plupart ce sont de petits drones aériens, civils, modifié afin d’apporter de remplir des missions militaires (apporter du renseignement ou neutraliser un objectif).

Ce nombre impressionnant démontre d’une part l’ubiquité des drones sur le champ de bataille contemporain ; et d’autre part, la nécessité de réfléchir aux notions de masse critique et d’approvisionnement en la matière.

Cependant, la guerre des drones ne se limite pas à l’espace aérien, elle s’étend également aux domaines terrestre et sous-marin.

À ce propos, j’ai été rapporteure, en début d’année, pour la commission de la défense, d’une mission d’information sur les grands fonds marins, en préparation de la loi de programmation militaire 2024-2030 et je voudrais m’arrêter sur ce sujet quelques instants.

Pendant longtemps, les grands fonds marins ont principalement attiré l’intérêt des entreprises et des chercheurs.

Pourtant, en raison de leur abondance en ressources minérales et de leur importance pour des infrastructures essentielles à l’économie, telles que les câbles sous-marins et les câbles de transport d’énergie, ces fonds marins représentent un environnement susceptible d’être utilisé pour des attaques hybrides, ce qui pourrait entraver la liberté d’action des forces navales.

La guerre en Ukraine a illustré la réalité et l’importance de ces enjeux, notamment avec le sabotage du gazoduc Nord Stream.

Ayant identifié les fonds marins comme un nouvel espace de conflictualité, les principales puissances mondiales ont élaboré diverses stratégies pour faire face à ces défis. Elles ont mis l’accent sur le développement de technologies issues principalement de la recherche civile, permettant d’opérer efficacement dans cet environnement vaste et largement méconnu.

Disposant de la deuxième plus grande zone économique exclusive (ZEE) du monde, déployant sa Marine sur l’ensemble des mers pour défendre ses intérêts et ses valeurs, la France s’est à son tour dotée, le 16 février 2022, d’une stratégie de maîtrise des fonds marins.

Prenant acte de l’importance stratégique des enjeux des fonds marins, elle fixe pour notre pays une double ambition, à la fois opérationnelle et capacitaire, les deux étant étroitement liées. En effet, il n’est pas possible de connaître, de surveiller et d’agir dans les fonds marins – objectifs de la stratégie MFM – sans la maîtrise d’un ensemble de hautes technologies qui, pour certaines, font aujourd’hui défaut à notre pays, en particulier la capacité des drones et des robots sous-marins à descendre à 6 000 mètres de profondeur.

Fort d’une base industrielle et technologique performante et innovante, la France a les capacités de maîtriser les fonds marins et, avec le programme France 2030, a posé un jalon important pour y parvenir en toute autonomie d’ici à 2025-2028.

Je reviens quelques instants sur l’ambition de la France : être capable de maîtriser les fonds marins en toute autonomie « Connaître, surveiller, agir »

Connaître : La maitrise des données géophysiques est un enjeu majeur et un facteur clé dans la réussite des opérations

Surveiller : La surveillance doit garantir la sûreté de nos approches maritimes et contribuer à protéger les infrastructures sous-marines stratégiques en décourageant un adversaire potentiel de les menacer. Je rappelle que les données passent à plus de 90 % par les câbles sous-marins et que le développement des éoliennes off-shore et le transport de l’énergie par câble deviendra également une source de menace qu’il nous faudra protéger.

Agir : nous devons être capable d’agir dans les grandes profondeurs en réaction ou en anticipation dans la destruction, la récupération d’objets sensibles, la restauration ou le sauvetage d’une infrastructure sous-marin.

L’enjeu n’est pas mince car, nous le savons désormais, la surprise viendra d’en bas.

Pour revenir au titre de votre conférence, « Du conflit de haute intensité à l’enjeu sécuritaire », il est important de noter que ce besoin de sécurité ne se limite pas aux opérations menées à l’étranger, mais concerne également le territoire national.

En effet, le nombre de drones, en particulier de drones civils, est passé de 400 000 en 2017 à plus de 2,5 millions aujourd’hui. De plus, cette tendance ne montre aucun signe de ralentissement, avec le développement continu des services offerts par les drones civils dans des domaines tels que la logistique, la mobilité urbaine et la surveillance de sites et d’infrastructures.

Pour les forces armées, la sécurité des installations et des activités militaires est une préoccupation majeure. Cela est particulièrement vrai pour l’Armée de l’Air et de l’Espace, qui, dans le cadre de sa mission de sûreté aérienne, est chargée de coordonner les efforts de lutte contre les drones dans les zones de sécurité temporaires, également appelées « dispositifs particuliers de sûreté aérienne ». Ces zones sont mises en place lors de grands événements tels que le défilé du 14 Juillet ou le Salon du Bourget, et elles sont supervisées par le Commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes.

À cet égard, la menace posée par les drones constitue un enjeu crucial pour la sécurisation des grands événements, comme en témoignent la récente visite du Roi Charles III, la Coupe du monde de rugby en cours sur notre territoire et les prochains Jeux olympiques de 2024.

C’est précisément ce que nous avons pris en considération lors des discussions relatives à la loi sur les Jeux olympiques et Paralympiques de 2024, notamment l’article 10, qui traite des traitements algorithmiques des images capturées au moyen de systèmes de vidéoprotection et de caméras embarquées sur des aéronefs.

Je tiens à exprimer au nom de mes collègues notre ferme engagement en matière de drones, qu’ils soient terrestres, aériens ou maritimes, et qu’ils servent des finalités civiles ou militaires.

Vous pouvez être assurés qu’à l’Assemblée nationale, nous avons à cœur de faire progresser ces questions, tant du point de vue de la politique que de la législation.

Je vous remercie chaleureusement de votre attention, et je vous souhaite des échanges fructueux sur ces sujets captivants qui revêtent une importance cruciale dans les dynamiques de puissance stratégique.